D’où vient l’idée d’adapter Orgueil et préjugés ?

Frédéric Bélanger : Je porte ce projet-là depuis une bonne dizaine d’années ! C’est l’une des premières idées que j’ai proposées à Claude Poissant, quand il est arrivé à la direction artistique du Théâtre Denise-Pelletier. Mais le timing n’était pas là. C’est quand j’ai pensé à Rébecca pour en faire l’adaptation que ça a débloqué. On avait collaboré ensemble sur La nuit des rois et ma rencontre avec sa langue et sa vision a été déterminante. Il y a des projets comme ça qui sont plus longs avant de naître, mais là, j’avais trouvé la bonne autrice pour le développer avec moi. Au départ, le mandat du Théâtre Advienne que Pourra, ma compagnie avec laquelle on coproduit le spectacle, c’est de travailler à partir de la littérature, et ce roman de Jane Austen a bercé mon adolescence. Ses personnages résonnent en moi et j’avais envie de les faire naître sur scène. C’est donc une impulsion très instinctive. Et à force d’en parler et d’en parler, j’ai convaincu mes pairs !

Comment s’attaque-t-on à une œuvre aussi imposante et comment cerne-t-on l’essentiel pour en faire une pièce de 1h45 ?

Rébecca Deraspe : C’est sûr que ce n’est pas simple. C’est quand même un roman de 500, voire 600 pages ! Il y a donc plein de choix à faire. Je suis aussi une très grande fan de cette œuvre-là et j’avais envie de conserver son essence. Je ne voulais pas en faire une adaptation contemporaine où ils se textent constamment avec leurs iPhones. L’époque n’est pas cernée précisément, on garde un certain flou, mais on est dans un registre de langue plus poétique, plus soutenu. Je voulais rester proche de l’amour, de cette pureté, de cette beauté-là. Je trouve qu’en ce moment, on est vraiment bombardé de négatif, ça fait du bien d’offrir une histoire d’amour au public. Sinon je crois que ma couleur est dans la couche d’humour qu’on y a ajouté. On peut y reconnaître ma plume, mais ça reste les personnages et l’esprit de Jane Austen, avec une petite touche plus humoristique. Sinon, un exemple de changement : dans le livre, ils correspondent par lettres tout le temps et ça, c’est beaucoup moins dynamique sur scène. En adaptant un roman au théâtre, c’est certain qu’il faut faire exister efficacement les situations dans les dialogues. On n’a plus 40 pages pour expliquer et mettre en contexte. Ça demande donc plusieurs étapes et beaucoup de travail pour bien comprendre les différents chapitres et les enjeux.

Frédéric Bélanger : C’est sûr que dans l’écriture de Rébecca, des fois il y a une ligne/un punch, comme en humour ! Simplement par la verve et le sens de la répartie de ses personnages, on navigue constamment entre drame et rire, comme dans la vraie vie. Donc au niveau de la direction des interprètes, je travaille beaucoup à ce qu’ils et elles ne caricaturent pas les personnages, parce que ça pourrait devenir presque une joke ! Je les fais toujours revenir à la sincérité et à la vérité des émotions.

Qu’est-ce qui est encore foncièrement d’actualité dans Orgueil et préjugés ?

Rébecca Deraspe : Il y a une touche féministe, c’est sûr. On regarde Lizzy et on se dit : quelle femme libre pour l’époque ! Quelle force vive de refuser de se marier à la personne qu’on lui impose, de rester autonome, intègre et éveillée au monde qui l’entoure. Il y a la sororité aussi qui est féministe. Ce l’était il y a 200 ans et ce l’est encore aujourd’hui. On a donc fait ressortir, avec notre regard actuel, le côté féministe présent dans l’oeuvre originale, mais qui n’était pas nommé comme ça à l’époque, bien sûr.

Sinon ce qui ressort beaucoup selon moi, c’est le courage d’aimer et ça, c’est universel et intemporel. C’est une histoire qui nous donne envie d’aimer, d’avoir le courage de nos émotions, d’être à la hauteur de ce que l’on ressent et de faire face aux relations humaines. Ce n’est pas forcément une pièce politique, mais il y a une prise de parole franche dans la beauté et la complexité de ces relations-là. C’est un texte plein de lumière et d’espoir et ça fait du bien en ce moment !

Frédéric Bélanger : Ce qui est intéressant ce sont les différentes façons d’aimer justement. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses et chaque personnage fait ses propres choix. Charlotte décide d’aimer pour telle raison et ça bouscule la vision de Lizzy. Son père et sa mère, c’est une autre histoire. Tout le monde juge un peu Kitty qui fait un choix déroutant. Jane et Charles vivent un amour de jeunes premiers, très pur. Lizzy et Darcy sont orgueilleux et fiers, branchés sur le mental et sur la joute. On assiste donc à une grande variété de manières d’aimer, qu’on retrouve encore dans notre société actuelle.

Sinon, pour soutenir les propos toujours très actuels de l’œuvre, on essaie aussi de trouver une modernité dans la proposition de mise en scène, l’éclairage, la musique avec Gustafson, groupe qui a composé avec nous en répétitions. On a plusieurs scènes de bal, les grandes rangées qui se font face, les garçons et les filles d’un bord, les croisements, mais il faut rester dans l’économie, le minimalisme, l’évocation. Ils ne peuvent pas être 50 sur scène ! C’est un beau défi que Rébecca m’offre avec son adaptation, les scènes s’enchaînent, le temps passe vite. Il faut trouver la fluidité pour que le spectacle soit très dynamique. J’aime que les choses soient théâtrales !

D’où vient l’idée d’adapter Orgueil et préjugés ?

Comment s’attaque-t-on à une œuvre aussi imposante et comment cerne-t-on l’essentiel pour en faire une pièce de 1h45 ?

Qu’est-ce qui est encore foncièrement d’actualité dans Orgueil et préjugés ?

Vous avez déjà adapté ensemble La nuit des rois en 2022. Qu’est-ce qui caractérise votre complicité et vos collaborations ?

Vous avez déjà adapté ensemble La nuit des rois en 2022.
Qu’est-ce qui caractérise votre complicité et vos collaborations ?